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Le blog de ACHILLE - Chroniques Notariales

un clerc divorcé qui se noie dans les problèmes de divorce de ses clients

UNE CLIENTE COMME UNE AUTRE.

 

Elle est juste venue me dire que cette fois-ci, c’est pour de vrai. Elle est divorcée. Deux très longues années séparent ce moment de notre première rencontre. Je l’avais remarquée parce qu’elle sentait ce délicieux parfum de ma mère. Je l’ai toujours trouvée très sympathique. C’est sans doute la dernière fois que je la vois.

Elle me demande la suite des évènements. Je lui réponds qu’il y aura lieu pour moi de régler des droits d’enregistrement lorsque la recette du palais ou son avocat me feront parvenir l’avis de mise en recouvrement, puis de déposer ce jugement et l’acte de mariage au rang des minutes de l’étude, afin que le tout soit publié aux conservations des hypothèques compétentes.

Elle me demande si c’est elle qui doit venir pour signer l’acte de dépôt. Non, bien entendu, j’ai prévu un pouvoir dans l’acte pour lui éviter de se déplacer. Elle me dit qu’elle récuse ce pouvoir.

Je ne comprends plus, je croyais bien que s’il y avait quelqu’un au monde qui me faisait confiance à part mes enfants, c’était elle.

Je ne dis mot. Elle me demande une date de rendez-vous pour venir signer cet acte. Je ne peux lui donner de date, tout dépend de la vitesse à laquelle le jugement et l’acte de mariage portant mention du divorce me seront adressés.

Je lui promets de lui écrire pour l’informer afin que nous convenions d’une date.

Je suis tout de même très déçu.

Nous nous dirigeons vers la porte de sortie.

Elle se retourne, me demande si nous pouvons aller boire un verre.

Je lui propose un verre de la fontaine à eau, je peux aussi faire un thé, j’ai une petite bouilloire et du thé minimarge. Pas que je sois pingre, j’aime bien ce thé. Il est quelques produits que j’aime dans ce magasin non loin de l’Étude.

- Non – dit-elle – allons boire un verre à l’extérieur.

- Si vous voulez, un midi, nous y penserons le jour de notre prochain rendez-vous, c’est très gentil.

- Non – insiste-t-elle – tout de suite, maintenant, à la seconde, là-dehors, au café du coin, au bar, ou dans la salle, comme vous voulez, mais dehors.

La salle est vide, au bar, juste deux cadres sûrement dynamiques, qui se racontent leur plus belle prise.

Elle grimpe sur un haut tabouret. Je fais de même péniblement. Cet exercice m’avait longtemps été épargné. Elle commande un café et un cognac. Je la suis, ne sachant pas bien où je vais.

Pourvu que personne de l’Étude ne me voie.

- Merci pour tout ce que vous avez fait.

- Je vous en prie, c’était normal, vous vous sentez soulagée.

- Oui, c’est vrai, j’ai l’intention de vivre un peu pour moi maintenant. Je pense que tout le monde dit cela, cela fait du bien d’aller au cinéma voir seule ce que l’on veut, de ne pas penser aux couleurs que l’autre aime pour s’habiller, de ne pas acheter telle nourriture parce que cela plaît à Monsieur, de ne pas rentrer tous les soirs à la maison. Dormir à dix-huit heures si j’en ai envie, aller au feu d’artifice du quatorze juillet ou à la messe de minuit, acheter un baba au rhum ou un millefeuille à la pâtisserie. 

- Au début c’est enivrant, comme grandir, puis, plus le temps passe, plus le vide s’installe. 

- Ah, vous trouvez ?  Je n’en suis pas encore là. 

- Moi si. Je n’ai plus de grandes envies, tout seul, plus de désirs fous, plus de caprices à assouvir.

- J’ai envie qu’on me tende les mains, qu’on m’embrasse quand je rentre chez moi.

- J’ai envie de tendre les mains, d’embrasser celle qui rentre chez moi. Personne ne me précède ni ne me suit. Je n’ai pas de chez nous.

* * *

 

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