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Le blog de ACHILLE - Chroniques Notariales

un clerc divorcé qui se noie dans les problèmes de divorce de ses clients

NEMO AUDITUR PROPRIAM TURPITUDINEM ALLEGANS

 

Dans le cadre des relations adultères des époux, il arrive parfois que celui qui trompe effrontément son conjoint, se sente exagérément offusqué lorsqu’à son tour, quelques cornes pointent à son front.

La Cour d'Appel de MONS en Belgique, dans un arrêt du neuf mars mil neuf cent quatre-vingts dix-neuf relate ce point avec justesse. Elle estime en effet, que l’offense dans le cadre d'un adultère ne peut se révéler que si l’époux qui se sent offensé n’a pas eu, lui aussi précédemment un comportement offensant. En effet, un époux ne peut, " dans ce cas, se sentir offensé par un adultère qui ne porterait pas atteinte des liens qu'il a lui-même abolis, et qu'il ne serait, dans le chef de son conjoint, que l'usage d'une liberté rendue par l'autre, au mépris précisément du lien conjugal ".

Madame a découvert la supercherie. Son époux la trompe impudemment avec une de ses meilleures amies. Il ment, jusqu’à réfuter les preuves et l’aveu même de sa partenaire.

Une forte dispute, un peu d’huile sur le feu, quelques flammèches volent un peu plus loin que d’habitude, Monsieur quitte la maison. Madame se retrouve seule avec le solde des impôts du couple à régler avant le quinze septembre. Au lieu de prendre avocat, lui confier l’avis d’imposition, Madame, seule au mois d’août, sans un centime sur le compte joint, ne voulant pas toucher à ses économies fixées sur son livret A de la Caisse nationale d’épargne, cherche un moyen d’obtenir des fonds.

Elle pense aux meubles. Ils n’ont pas assez de valeur marchande, puis c’est lourd à transporter, les commissaires-priseurs sont en vacances...

Elle pense bien au lingot que le père de Monsieur a donné un jour à son fils, caché dans le grenier, sous une pile de Tintin, Astérix et Lucky Luke. Trop compliqué, elle a peur de se promener avec ce bel objet en or en plein jour, en pleine ville. Que faire ?

Il reste bien ce petit dessin là, niché dans son cadre sur le mur. Un jour il lui a dit que cela valait des sous. Elle n’y a pas vraiment cru, un truc qui ressemble à un pape sans tête, tout brouillé, en noir et blanc, dessiné un jour de biture sans doute par un type avec un nom de charcuterie, un ami de ses beaux-parents, pas étonnant...

Elle sait que ce tableau est un bien propre de la famille de son mari. Elle prend le cadre, ôte l’étude, cherche dans l’annuaire à galerie d’art. Elle les appelle pour trouver celle qui bien placée, sera ouverte en ce mois de misère. Elle en trouve une, leur demande leur spécialité, " art contemporain ? " Bien. " Combien vous me le faites ? Vous voulez le voir ? Pas de problème. "

Madame n’a pas peur de se déplacer avec ce dessin dans son sac qu’elle a mis dans une enveloppe kraft avec un dos en carton l’air de rien…

Madame, vaguement étonnée de la bonne cote de l’œuvre, la vend. Elle porte le prix au crédit de son compte courant. S’en sert pour payer le solde des impôts, mais conserve le reste. Après tout, n’a-t-elle pas lu quelque part qu’il n’y a pas de vol entre époux. C’est encore son époux. Le divorce n’est pas encore prononcé. Procédure longue et difficile.

Cinq ans plus tard, le tribunal a condamné Monsieur à la remise du logement familial occupé par Madame à titre de prestation compensatoire.

Lors de l’inventaire, le cadre contient une jolie petite gravure d’automne.

Monsieur demande la restitution du dessin. Pendant cette période, la cote de Bacon s’est envolée.

Vol ou pas vol, dépense conservatoire ou pas ? En fait de meubles, possession vaut titre ? Nemo auditur…. ?

Le tribunal tranchera.

* * *

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