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Le blog de ACHILLE - Chroniques Notariales

un clerc divorcé qui se noie dans les problèmes de divorce de ses clients

LA RÉBELLION.

Elle avait des larmes plein le corps. Quand on la secouait, il en pleuvait de partout.

Elle avait des courants d’air plein la tête. Ça lui rafraîchissait les idées disait-elle.

Qu’on lui parle d’art, elle racontait :

- Chez nous, on ne dit pas trop ce mot-là, on dit plutôt du lard ou du cochon.

- Chez nous, les expositions, on n y va pas.

- On a les torchons avec des images de calendrier sur le fil ou les mouches collées sur la plaquette ou encore la Vénus de Milo en plâtre sur la télévision, l’Angélus de Millet sur le papier peint à fleurs de la salle à manger.

Elle avait des larmes plein le corps.

Quand on la secouait, on était tout mouillé.

Qu’on lui parle de politique, elle répondait :

- La politique, c’est comme les ascenseurs, pour monter faut bien qu’y en ait un qui descende à ton étage, mais va savoir pourquoi, y sont tous en panne !

Elle en avait plein le dos, disait-elle, quand on la secouait, elle tanguait comme un bateau.

« CONTEMPORAIN », elle disait qu’elle ne savait même pas ce que cela voulait dire, elle ne savait même pas pour qui elle pourrait être contente.

- Je ne suis contente pour personne moi !

Elle avait tellement de larmes, c’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.

Elle découpait des bouts de journaux, elle les tressait, les collait, les coloriait avec les feutres de ses enfants.

Elle avait des larmes plein les oreilles, quand elle se taisait, on entendait la mer.

Elle n’osait pas punaiser ses œuvres au mur, à côté de l'angélus ou du puzzle cinq cents pièces de son mari. Plus cela venait, plus elle lisait ce qu’elle découpait, disait elle, faisant attention à ne pas couper certaines phrases.

Elle les soulignait selon leur importance, de différentes couleurs.

Elle ne savait plus quoi faire de ses arlequines de papier.

Un jour, un de ses gamins l’a raconté à l’instituteur, puis c’est venu aux oreilles du maire, puis, -Ya un marchand bien intentionné qu’est venu – la rencontrer.

Ça lui picotait les yeux, ça lui faisait des poches toutes rouges tellement elle ne pouvait plus retenir ses larmes.

Quand ce type lui a expliqué en gros qu’elle faisait partie sans le savoir d’un mouvement contemporain dénommé « art brut », qu’un autre type qui s’appelait BOURDIEU disait « d’elle » que l’art brut était « non cultivé »…. « À la façon d’un Iliade écrit par un singe dactylographe » !

Elle a « tout foutu à la cheminée, direct » !

Elle, une brute ?

C’est peut-être cela qui a fait déborder le vase.

Ça l’a secouée :

« Un singe, ça n’a pas des larmes plein le corps ».

Monsieur n’a pas compris. Tout de même, elle aurait pu en vendre. On lui proposait un bon prix.

Elle a quitté son mari, la vénus, la ferme, les enfants, l’angélus, les torchons à motifs.

Elle a divorcé. 

* * *

 

 

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