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Le blog de ACHILLE - Chroniques Notariales

un clerc divorcé qui se noie dans les problèmes de divorce de ses clients

AVOCAT CHER OU PAS.

Issu d’une grande famille de boulangers, dont le nom rayonne dans toute la région, Monsieur s’offre une nouvelle jeunesse. Il commence par divorcer de son épouse, pourtant plus jeune et plus jolie que lui, mais fleurant bon la préménopause, les vêtements griffés, les sacs de cuir pleine peau, les thés entre amies, bavardages superficiels et feuilletons télévisuels.

Madame disposera d’un confortable pécule mensuel, m’explique l’avocat commun, grand ami de la famille depuis plus de trente ans, parrain d’un des enfants.

Madame aura son appartement en ville, pourra s’offrir tous les bijoux, vêtements, sorties, vacances, qui lui plairont. Ses impôts seront même payés par Monsieur. J’interroge Maître sur le patrimoine des époux à liquider. Avec étonnement, j’apprends que les époux sont mariés sous le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts. La consistance m’est énoncée en une litanie de biens immobiliers, de comptes et placements bancaires.

Pas un mot sur les parts de société représentatives des boulangeries. C’est une affaire de famille me répond-on. Sans doute. N’y a-t-il jamais eu de remaniement, de fusions ou autres créations de sociétés, pendant le mariage ? Le greffe du Tribunal de commerce me révèle qu’une holding a été créée bien longtemps après le mariage.

Bien entendu, me répond-on, il a fallu reprendre en main l’affaire familiale. Cependant, la communauté n’a jamais bénéficié de cela, ni été mise à contribution.

Rendez-vous est pris. Madame semble complètement distraite, désintéressée par son divorce, ignorante du partage, et volontairement sourde à toutes mes recommandations, se souciant seulement de la station de taxis proche de l’appartement, du nombre de chambres d’amis, de la variété des coloris du tissu qui lui est proposé pour refaire les rideaux. D’une certaine façon je la comprends, que lui sert un gros capital, mieux vaut un appartement et une rente très conséquente, tous frais payés chaque mois.

Je tente de lui expliquer qu’elle devra tout de même compter désormais, qu’elle devra tenir son budget toute seule pour vivre.

Monsieur aussitôt m’interrompt, lui proposant son conseil patrimonial pour d’éventuels placements, l’avocat se propose de faire son secrétariat, régler ses factures. Je suis sidéré par tant de sollicitudes.

J’établis un premier projet que je soumets à l’avocat qui me fait part de quelques corrections. Je retourne le projet modifié. Maître prend son téléphone, m’appelle afin que nous convenions d’un rendez-vous. Il me précise que mon patron saura à quel point son client est content de moi. Cela fait toujours plaisir, cependant tant de prévenances m'étonnent.

Nous convenons d’une date de signature. Je la note sur mon agenda, conservant le combiné à l’oreille. J’entends l’avocat prononcer les mots : " Sacré vieux filou " suivi de rires féminins, puis le son d’un téléphone qu’on raccroche. Il pensait que je n’étais plus au bout du fil. Ces mots me terrorisent. Quel est le secret ? Quelle fortune cachée ? Quels éléments de patrimoine commun ai-je oubliés ? Pourquoi ne pas avoir demandé des audits des sociétés de boulangerie ? Je suis sûr que c’est ici que le bât blesse. En même temps je me dis que nous aurions mis peut-être des années de procédure avant de prouver en justice ce qui fait partie de la communauté et ce qui fait partie des biens propres de Monsieur. De son côté, Madame est très heureuse, ne demande rien de plus, nous sommes dans le cadre d’un divorce par consentement mutuel. Madame ne veut rien savoir de tout cela, cela ne concerne que son mari puis ses enfants.

Maître me rappelle lorsque je suis dans mes pensées désespérées.

-  Maître GASTON, puis-je vous demander le montant des frais ?

Je lui communique, lui demandant de quérir de son client un chèque à l’ordre de l’Étude.

-" Maître GASTON, c’est un plaisir de travailler avec vous, les frais de notaires sont si élevés que mes honoraires paraissent pitoyables à côté de vos frais. Pourtant, je les ai quintuplés pour ce client.

Moi naïf :

- Je pensais que c’était votre ami ?

- C’est mon ami Maître GASTON, sinon j’aurai multiplié par dix, vous savez bien Maître, voyons, " les affaires sont les affaires ".

- Le montant que je vous ai indiqué ne comprend pas que les honoraires, il comprend aussi les droits d’enregistrement, le salaire du conservateur des hypothèques, les débours, vous avez le détail dans le courrier joint.

Cher Maître, nous nous en moquons, seul le pourcentage compte. Vous prenez environ deux et demi pour cent de frais, je prends un pour cent, pourtant je fais la meilleure affaire de l’année. À bientôt Maître, pour une prochaine affaire, n’hésitez pas à m’envoyer des clients, vous savez, les temps sont durs et les clients regardants.

* * *

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